RetEx N°3 : Administration d'insuline

Jeudi. 16h05. Les secours sont appelés pour une jeune fille qui présente un malaise. Un V.S.A.V. se rend sur les lieux. A leur arrivée, la cousine les attend devant le bâtiment. La victime revenait d’une séance de shopping avec son mari, quand elle a eu un malaise. Elle se trouve dans les sous-sols, au niveau des garages.

La victime est une jeune femme de 24 ans, retrouvée assise, somnolente et qui répond à la stimulation verbale (V). Il n’y a pas eu de chute car son mari l’a assise. Le bilan hémodynamique pris par l’équipier est le suivant :

Le mari indique que sa femme est diabétique et qu’elle prend régulièrement de l’insuline. La victime ne se souvient plus si elle a mangé correctement ce midi. Etant stimulable, le mari a entrepris de resucrer la victime avec des aliments disponibles à proximité, dans les courses. Il a tenté de donner des biscuits, des biscottes et du coca, mais a fait face à des problèmes de régurgitation.

Retex 3 Bilan VSAV

Le mari explique au chef d’agrès que sa femme se pique avec un stylo lorsqu’il lui arrive de faire des malaises, et que ce stylo est dans l’appartement. Il semble maîtriser la situation car il a déjà vécu des situations similaires. Le chef d’agrès l’encourage alors à administrer le traitement en question. Après avoir été cherché le stylo, le mari administre alors 20 U.I. de produit (Lantus) . Après 10 minutes et malgré les tentatives de resucrage par la bouche, le chef d’agrès trouve que l’état de la victime ne s’améliore pas, et décide de demander un renfort. Un infirmier est alors engagé sur l’intervention pour complément de prise en charge.

Retex 3 Lantus

A son arrivée, le chef d’agrès du V.S.A.V. lui présente le bilan et lui explique les actions entreprises. Le mari lui précise également que sa femme est enceinte de 10 semaines d’une deuxième grossesse, la première n’a pas abouti à cause d’une fausse-couche (G2 P0). La victime est toujours consciente. Elle répond aux ordres simples et orientée dans le temps et l’espace.

L’I.S.P. débute sa prise en charge avec ce bilan :

La victime est rapidement installée dans le V.S.A.V. L’infirmier pose une voie veineuse périphérique avec du Glucose 10 % à haut débit et injecte 6 g de Glucose en I.V. Au bout de 2 minutes, la victime arrête de frissonner et devient de plus en plus orientée.

La glycémie à T+10 min est à 3,15 g/l (17,32 mmol/l) et celle à T+20 min est à 2,09 g/l (11,50 mmol/l). Entre-temps, l’infirmier a réalisé un électrocardiogramme pour écarter définitivement le risque de conséquences cardiaques, faiblement suspectées mais qui aurait pu être présentes suite à l’hypoglycémie. L’électrocardiogramme est également disponible.

Après régulation au centre 15, la victime est transportée sur l’hôpital de proximité pour évaluation médicale et surveillance.

Retex 3 Bilan ISP
Retex 3 E.C.G.

Le take home message 1

  • L’endocrinologie et la gestion du diabète nécessite des compétences particulières à acquérir
  • Toute utilisation d'un traitement par des secouristes (pompiers, secours associatifs…) doit se faire sur l’aval du S.A.M.U.
  • Il faut toujours garder une vigilance face aux propos de l’entourage, surtout en termes de traitement.


 

L avis exterieur
Photo profil pierrick

TRUPIN P. - Infirmier D.E. en service d'Urgences / Infirmier de Sapeurs-Pompiers

"L’endocrinologie est une spécialité plus complexe à comprendre et mettre en place que la traumatologie… De plus c’est une discipline récente pour les sapeurs-pompiers, qui peuvent dans certains départements, mesurer la glycémie capillaire. Cette intervention montre néanmoins que les liens sont encore fragiles. La valeur obtenue est approximativement le tiers de la normale basse. Avec une transposition tensionnelle, une valeur de 40 mmHg en tension artérielle systolique aurait engendré la demande d’un renfort médical immédiat. La prise de conscience de la situation ne s’est pas faite dans cette intervention. Le conjoint de la patiente prétend de son côté connaître le traitement de la victime, sauf qu’il ne savait pas que deux types de stylos existaient, et qu’il a donné le mauvais. Certaines personnes ont une connaissance parfaite des problèmes de santé de leur moitié, mais il faut toujours rester vigilant car parfois, on «connaît sans connaître». Un aval de prescription par le S.A.M.U. aurait évité l’erreur."

 

Dr KAMBOUA - Médecin Urgentiste

"Plusieurs points à soulever. D'abords, les troubles de conscience dans le diabète peuvent correspondre à des situations diamétralement opposées et ainsi le traitement de l’une est le poison de l’autre et inversement. De plus, le diabète de type 1 chez un patient devenu adulte est souvent maitrisé par le patient et son entourage. Pour autant, un enfant et/ou un entourage non au fait de la maladie (nouveau partenaire, famille éloignée) ou tout simplement un témoin sur la voie publique ne sont pas des atouts dans ces cas. Ensuite, la confusion des mesures et leurs unités. Important ! Connaitre les intervalles dans les 2 unités utilisées habituellement est condition sine qua non pour pouvoir utiliser un glucomètre. Surtout, ne pas tenter de manœuvre (resucrage) sur patients somnolents ou agités. On constate peu ou pas d’efficacité et potentiellement dangereux. Enfin, l’avis médical au SAMU avant traitement, une situation non maitrisée est source d’erreur manifeste qui peut dans le cadre du diabète être très dangereux."

Relation entre le coeur et l'hypoglycémie

Dans son référentiel concernant l'hypoglycémie, la Société Francaise de la Médecine d'Urgence (S.F.M.U.) explique que : 

"En dehors de la tachycardie, inconstante, des troubles de la conduction ou de la repolarisation semblent être un fait marquant mais assez méconnu de l’hypoglycémie. Plusieurs auteurs ont rapporté des allongements de l’intervalle QT dans les hypoglycémies chez des patients diabétiques ou des hypoglycémies provoquées chez des volontaires sains. Ces anomalies seraient liées à l’activation du système nerveux sympathique et du système rénine-angiotensine (SRA). Ces allongements de l’intervalle QT proarythmogènes entraînent un risque théorique de troubles du rythme au cours des épisodes d’hypoglycémie. The « dead-in-bed syndrome » expliquerait même 20 à 40 % des morts subites chez le jeune patient diabétique par arythmies cardiaques. L’E.C.G. rarement pratiqué chez les patients hypoglycémiques devrait devenir plus systématique."

Date de dernière mise à jour : 16/04/2021

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