RetEx N°2 : Resucrage intensif

Lundi. 8H45. Les Sapeurs-Pompiers sont appelés pour un homme de 37 ans qui fait un malaise à domicile. L’interlocutrice, l’épouse du patient, indique au médecin régulateur que son mari est diabétique connu. Elle a eu du mal à le réveiller. Ce n’est pas la première fois que cela lui arrive. Comme les fois précédentes elle lui a donné du Coca-cola®. Mais après une demi-bouteille, elle trouve son conjoint encore somnolent.

A l’arrivée des Sapeurs-pompiers, la victime est consciente, mais reste désorientée dans le temps et l’espace. Elle a maintenant bu une bouteille de Coca-cola® (1,5L). Le bilan hémodynamique est le suivant. L’équipe est dotée d’un appareil de surveillance de glycémie capillaire. Une mesure est effectuée à 11h05.

Vers 9h30, après une régulation médicale par le chef d’agrès, et une installation dans le V.S.A.V., la victime est transportée vers le centre hospitalier de proximité.

A 9h45, la victime arrive aux Urgences. Le chef d’agrès transmet à l’infirmier Organisateur de l’Accueil son bilan. «Il s’agit d’un homme diabétique insulino-dépendant. Hier soir, il a pris sa glycémie et s’est injecté son insuline habituelle : 8 Unités d’insuline rapide (Novorapid®) et 15 Unités d’insuline lente (Lantus®). Ce matin le réveil a été difficile alors sa femme lui a donné du Coca-cola®. On a pris une glycémie qui était normale donc on a régulé et on vous l’a amené. Là le monsieur il a sa bouteille de Coca avec lui car il réclame de boire assez souvent donc il gère son resucrage. Une petite hypo pas méchante quoi, par contre il voudrait aller aux toilettes si tu as deux minutes…»

A son admission, il répond de manière incohérente aux questions posées par l’I.O.A. et le patient vient de terminer la deuxième bouteille de Coca-cola®. En une heure de temps, le patient a ingurgité un total de 3L de Coca-cola®. L’infirmier reprend un bilan hémodynamique et contrôle la glycémie. La conjointe qui l’accompagne, possède une troisième bouteille de Coca-cola® avec elle.

Le patient sera vu dans le quart d’heure par le médecin urgentiste et pourra retourner à domicile après deux heures de surveillance, une hydratation intraveineuse, un repas avec des sucres lents et un bilan sanguin qui s’est révélé normal. La glycémie capillaire est rentrée dans les valeurs de la normale.


Le take home message 1

  • La glycémie capillaire, comme tout paramètre vital, peut évoluer au cours d’une intervention. Il est nécessaire d’avoir deux valeurs pour connaître la tendance du taux de sucre dans le sang.
  • La modification d’une valeur nécessite une mesure de contrôle avant et après la modification.
  • Il est important de maitriser un minimum la pharmacocinétique du glucose lorsqu’un resucrage est entrepris. Ne pas hésiter à demander un infirmier de sapeurs-pompiers en renfort si besoin. (si possible en fonction des départements, surtout s’il existe une possibilité de laisser la victime à domicile).
  • Garder en tête la quantité de glucose contenue dans du Coca-cola®.

 

L avis exterieur
Photo profil Pierrick

TRUPIN P. - Infirmier D.E. en service d'Urgences / Infirmier de Sapeurs-Pompiers

"La prise en charge d’un patient diabétique ne peut pas être considérée comme routinière ou anodine tant le diabète modifie les règles traditionnelles de la médecine : perception de la douleur, cicatrisation... En revanche,  la glycémie capillaire est facile à quantifier car elle peut se mesurer de manière rapide et simple. 
Le sucre, une fois absorbé, passe dans le sang dans un délai allant de 5 à 30 minutes. Les sucres rapides élèvent rapidement la glycémie, mais sont peu durables. Les sucres lents sont donc nécessaires à la bonne stabilité d’un resucrage d’une personne en hypoglycémie. A lui seul, le Coca-cola® est insuffisant. Par ailleurs, les sodas sont souvent «traitres», comme le montre l’image comparative. Une mesure de la glycémie capillaire aurait probablement permis de détecter l’élévation brutale de la glycémie et de stopper la consommation de Coca-cola®.
La pharmacocinétique du glucose demande également certaines connaissances, avec un effet rebond lors de la glycogénogénèse. La deuxième mesure de glycémie aurait permis de savoir si on se trouvait dans le premier ou deuxième cas de figure. Pour les départements offrant une réponse paramédicale, l’appel à un infirmier de sapeurs-pompiers peut se révéler judicieux face à ce genre de problématique."

Courbes de glycemie
Comparaison sucre

Date de dernière mise à jour : 04/11/2021

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