C’est dans son utilisation que la confusion opère. Selon la croyance populaire, il suffirait de comparer la mesure de l’hémoglobinémie à l’instant de la prise en charge avec la norme du malade pour savoir quelle quantité approximative de sang a été perdue. Cette croyance FAUSSE, ne peut donc pas remplacer les autres méthodes utilisables pour estimer les pertes sanguines.
Dans un premier temps, rappelons que l’hémoglobinémie est une concentration. Lorsque l’on saigne, nous perdons proportionnellement autant d’hématies que de plasma, cela n’altère donc pas la concentration de l’hémoglobine dans le plasma. L’image la plus connue est celle du verre de sirop de fraise. Lorsque vous buvez la moitié d’un verre de sirop de fraise, vous en modifiez le volume, mais pas la concentration. En revanche, rajouter de l’eau change la concentration, c’est ce qui se produit médicalement avec le remplissage. C’est pour cette raison que l’hémoglobinémie doit être mesurée avant le remplissage.
La mesure de l’hémoglobinémie est instantanée. Elle doit être répétée pour établir une cinétique du saignement et savoir si nous avons correctement endigué l’hémorragie. Un autre facteur est aussi à prendre en compte : la mise en place des mécanismes compensateurs. En cas d’hémorragie importante mais lente, l’activation du système rénine-angiotensine va avoir une action hémodiluante. Cela va artificiellement diminuer la valeur de l’hémoglobinémie (qui ne reflètera donc pas la quantité́ de sang perdu mais la concentration sanguine de l’hémoglobine restante du patient). Il est donc important, quand cela est possible, de connaitre la durée du saignement pour interpréter cet examen.
Une autre question demeure encore… La fiabilité de la mesure. Il y’a là encore plusieurs écoles… Bout du doigt ou cathéter. 1, 2 ou 3 lancettes…
Si le sang est pris au bout du doigt, dans un contexte hémorragique compensé, la vasoconstriction périphérique importante peut fausser la valeur (quantité de sang prélevée insuffisante ou sang trop hémodilué). C’est pourquoi il est recommandé de prendre le sang obtenu lors de la pose de la V.V.P. pour réaliser l’hémoglobinémie. La mesure étant imparfaite, il est donc important de réaliser au moins 2, idéalement 3, mesures distinctes (1 au bout du doigt + 2 à l’endroit de la V.V.P.) afin d’éliminer une valeur aberrante (haute ou basse). C’est pour toutes ces raisons que l’hémoglobinémie doit être considérée comme un indicateur et non comme un examen parfaitement fiable.
Donnée numérique à l’instant T, qui doit être comparée à plusieurs étapes de la prise en charge pour pouvoir l’interpréter convenablement, l’hémoglobinémie ne peut pas à elle seule être une indication de la perte sanguine. Comme toute mesure, il faut pouvoir confronter la donnée chiffrée à sa fiabilité et au reste du tableau clinique du patient. Le chiffre c’est bien mais… Restons clinique !